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Comparaison des corticoïdes intra-vitréens au laser en traitement de l’oedème maculaire diabétique : la réponse à une mauvaise question ?

L’utilisation hors AMM de la triamcinolone en injections intra-vitréennes, malgré les avertissements du laboratoire et des autorités de santé, semblait devenue plus ou moins incontournable pour le traitement de l’Å“dème maculaire diabétique depuis plusieurs années (faisant utiliser par certains le terme de « nouveau paradigme »). Nous déplorions cependant régulièrement le manque d’étude clinique pour légitimer cet usage.

Or, le 26 juillet étaient mis en ligne les résultats de l’étude du réseau DRCR.net, sous l’égide du National Eye Institute, visant à comparer au long cours l’efficacité des injections intra-vitréennes de triamcinolone avec la photocoagulation maculaire (Ophthalmology. 2008 Sep;115(9):1447-9, 1449.e1-10. Epub 2008 Jul 26.)
Les résultats, repris rapidement un peu partout sur l’internet « ophtalmologique », étaient pour le moins inattendus, puisque les auteurs concluent que le laser maculaire est plus efficace que les injections intra-vitréennes pour maintenir l’acuité visuelle au long cours !

Cependant, si à première vue, l’étude a été bien conduite, quelques remarques s’imposent :

  • La différence entre les deux groupes, bien que « statistiquement » significative, n’est finalement pas si importante « cliniquement » (les patients traités par laser ont une acuité visuelle meilleure de 3 à 5 lettres par rapport aux patients traités par injections).
  • L’étude, certes randomisée (les 3 groupes sont effectivement admirablement comparables au départ), n’a pas été conduite en insu. Selon les auteurs, cela ne serait pas un inconvénient puisque les injections bénéficiaient d’un tel a priori positif que cela n’aurait pu qu’influencer les résultats au détriment du laser…
  • Il n’y a quasiment aucun renseignement concernant l’évolution de l’équilibre glycémique (juste une phrase avant la discussion), ni, surtout, aucun élément sur l’évolution de la tension artérielle…
  • Enfin, le principal problème concerne non le design de l’étude, mais les critères selon lesquels les patients y ont été inclus. En effet, il n’y a aucune distinction sur le caractère focal ou diffus des oedèmes maculaires. Or, bien que la distinction entre les deux soit loin d’être consensuelle (et justement, le DRCR.net signait justement une méta-analyse à ce sujet en septembre : Am J Ophthalmol. 2008 Nov;146(5):649-55, 655.e1-6. Epub 2008 Sep 5 : dommage qu’ils ne se soient pas posés la question avant !), il semble qu’un grand nombre de patients étaient justement probablement atteints d’Å“dèmes focaux, si l’on en croit la publication des caractéristiques détaillées des patients à l’inclusion (Retina. 2008 Jul-Aug;28(7):919-30.), sans que l’on sache si leur distribution entre les groupes de traitement était équilibrée (en tous cas, il n’y avait pas de stratification de la randomisation sur ce critère).

L’étude donc, bien que rigoureuse… ne répond probablement qu’à une mauvaise question (comparer la triamcinolone et le laser en traitement de TOUS les Å“dèmes maculaires diabétiques, sans prendre réellement en compte l’équilibre glycémique et tensionnel).

Du coup, ces résultats ne vont probablement finalement pas changer grand chose à notre pratique, du moins en Europe : la plupart d’entre nous en effet réservons déjà les injections aux patients avec des oedèmes, diffus, ne répondant pas/plus au laser ; peut-être cette étude nous orientera-t-elle plus volontiers vers des traitements combinés (mais pas encore réellement évalués)… en attendant les résultats des études en cours avec d’autres traitements prometteurs dans cette indication.

Par contre, ces résultats ont déjà fait au moins une victime : quelques jours à peine après la publication de ces résultats, était annoncé l’arrêt de l’essai de phase II de I-Vation, un implant intra-oculaire de triamcinolone : le design de l’étude (comparaison à placebo) n’est effectivement probablement plus acceptable dorénavant, du moins pour enregistrer un traitement auprès des autorités de santé…

NB : SurModics a annoncé en septembre l’interruption de l’accord de recherche et développement signé en juin 2007 avec Merck… mais cela n’aurait rien à voir…

Enfin, pour la petite histoire, signalons que la triamcinolone utilisée dans l’essai du DRCR.net n’était autre que Trivaris (laboratoire Allergan), qui venait d’obtenir son autorisation de mise sur le marché américain par la FDA : gageons qu’il sera difficile d’étendre ses indications au traitement de l’Å“dème maculaire diabétique, non ?

Un nouveau corticoide pour usage intra-oculaire ?

En complément du billet du 10 décembre à propos des corticoïdes intra-oculaires peut-être à venir, Novagali Pharma, société pharmaceutique spécialisée en ophtalmologie a annoncé le 18 janvier l’obtention d’une autorisation de la FDA pour mener aux Etats-Unis un essai clinique de phase I d’une prodrogue de corticostéroïde pour le traitement de l’oedème maculaire diabétique (OMD) :

Nova63035 est une émulsion injectable unique permettant une libération prolongée de la prodrogue pendant une période de six à neuf mois selon la dose administrée grâce aux propriétés de la technologie EYEJECT(R). La prodrogue est métabolisée en principe actif par des enzymes qui sont situées dans les tissus ciblés, c’est-à-dire la rétine et la choroïde, mais absentes du vitré et de l’humeur aqueuse. Cette localisation spécifique permettrait de limiter les effets indésirables des corticostéroïdes tels que l’élévation de la pression intra-oculaire (glaucome) et l’opacification du cristallin (cataracte).

La FDA a donné son accord quant à la réalisation aux Etats-Unis d’une étude clinique de phase I visant à évaluer le profil de sécurité et à observer une tendance d’efficacité de l’injection de Nova63035 chez des patients présentant un OMD. Les patients seront suivis sur une période de douze mois après l’injection.

Sur le site internet, voilà ce que l’on peut lire à propos de la technologie « EyeJect » :

Eyeject® a été conçu pour proposer une approche unique d’injection intraoculaire très peu invasive par rapport aux implants existants, afin d’administrer efficacement et en toute sécurité les principes actifs dans le fond de l’œil. Notre technologie associe facilité d’administration pour le praticien ainsi qu’un effet prolongé et une excellente tolérance pour le patient.

Eyeject® se caractérise par les avantages suivants :

* une invasion minimale et une injection facile : Eyeject® est une émulsion très fluide facile à injecter, et ne requiert aucune intervention chirurgicale, contrairement aux implants.
* un effet prolongé et maîtrisé : Eyeject® permet de maintenir le principe actif à un niveau thérapeutique au niveau de la rétine pendant plusieurs mois. La réduction de la fréquence des injections aide également à préserver l’intégrité de l’œil.
* tolérance : Eyeject® constitue une approche unique et innovante grâce à son émulsion sans conservateur et sans solvant organique. Eyeject® contient uniquement des excipients biocompatibles avec les structures internes de l’œil, apportant à la fois sécurité et innocuité pour le patient.

Eyeject® peut être utilisé dans de nombreuses pathologies de l’arrière de l’œil, comme par exemple l’œdème maculaire et la rétinopathie diabétique, indications pour lesquelles il s’avère être un moyen bien toléré et efficace afin d’administrer le principe actif pour les tissus ciblés du fond de l’œil (la rétine, la choroïde).

L’avenir des corticoides intravitréens

Alors que l’utilisation « hors-AMM » du Kenacort est de plus en plus controversée ces derniers temps (courrier de l’AFFSAPS, contrôles de la sécurité sociale, doute quant à la toxicité des conservateurs…), Alcon vient d’annoncer l’autorisation par la FDA de Triesense, une triamcinolone sans conservateur spécifiquement développée pour l’utilisation intra-oculaire… dont personne n’avait apparemment jamais entendu parler auparavant !

Selon les informations de la fiche de prescription, les indications en sont larges, allant de la visualisation per-opératoire du vitré jusqu’au traitement des « pathologies inflammatoires » (sans plus de précision)…

Cet agrément intervient sans aucun résultat d’étude clinique, et alors que de nombreux concurrents sont encore en train de tester leurs alternatives pour la délivrance de corticoides intra-vitréens au cours de vastes essais randomisés :

  • Allergan Posurdex (dexaméthasone dans un dispositif biodégradable, injecté) est en cours d’essai de phase III pour le traitement des Å“dèmes par occlusions veineuses rétiniennes (recrutement terminé) et secondaires au diabète (recrutement en cours) : premiers résultats (pour les OVR) probablement fin 2008.
  • Alimera/pSivida Medidur (implant non biodégradable de fluocinolone injecté) : recrutement terminé de l’essai de phase III en traitement de l’oedème maculaire diabétique, avec les premiers résultats (2 ans de suivi) attendus en 2009, et la fin de l’étude en 2010.
  • Surmodics I-Vation TA (implant non biodégradable, recouvert de triamcinolone et « vissé » à travers la sclère) : après la présentation de résultats de phase I encourageants, la poursuite du développement pourrait s’accélérer suite à la signature d’un accord avec Merck.
  • Bausch & Lomb Retisert (réservoir de fluocinolone non biodégradable , mis en place chirurgicalement) : autorisé aux USA dans le traitement des uvéites, mais dont la demande d’agrément en Europe a été récemment retirée… Il pose le problème de ses effets secondaires, avec, au bout de 2 ans, 1/3 des patients ayant nécessité une chirurgie filtrante… et quasiment tous une chirurgie de cataracte.
  • Allergan fabrique également la triamcinolone sans conservateur actuellement utilisée pour les études américaines dans l’oedème maculaire des occlusions veineuses rétiniennes (SCORE) et du diabète (DRCR.net)…

La concurrence promet donc d’être rude…

AFSSAPS et injection intra-vitréenne de Kenacort

Après la FDA aux USA en février dernier, c’était au tour de l’AFSSAPS dans le courant de l’été de nous diffuser un courrier d’alerte concernant les risques de l’utilisation du Kenacort en intra-vitréen, et rappelant que cette utilisation, n’ayant fait l’objet d’aucune étude, est « hors AMM » :

Le laboratoire Bristol-Myers Squibb (BMS), en accord avec l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (Afssaps) souhaite vous communiquer d’importantes données de pharmacovigilance concernant les spécialités KENACORT RETARD 40 mg/1ml et 80mg/2ml (suspensions injectables d’acétonide de triamcinolone):
Des cas graves d’endophtalmie, d’inflammation oculaire, d’augmentation de la pression intraoculaire et de troubles visuels incluant des cas de cécité, ont été rapportés à la suite d’administrations intravitréennes de KENACORT RETARD au cours d’utilisations hors-AMM. La plupart de ces cas ont nécessité une prise en charge thérapeutique ou chirurgicale.
A ce jour, aucune étude menée par BMS n’a évalué la tolérance de l’administration de KENACORT RETARD par injection sous-conjonctivale, sous-ténonienne, rétrobulbaire ou intraoculaire (voie intravitréenne).

Ces constatations sont elles suffisantes pour avoir peur de continuer à utiliser le Kenacort ? Probablement non.

  • Si BMS n’a effectivement fait aucune étude concernant le Kenacort utilisé en intra-vitréen, les publications sur le sujet ne manquent pas, surtout depuis 2003 :
    Publications IVT
  • Les effets secondaires rapportés n’ont finalement pas grand chose d’inquiétant :
    • une endophtalmie peut survenir à la suite de toute injection intravitréenne : leur existence n’a pas empêché la mise sur le marché des anti-VEGF en traitement de la DMLA (avec des taux dans certaines études parfois plus importants que ceux actuellement rapportés). De même, ce risque ne nous empêche pas d’opérer des cataractes (chez des patients avec parfois des niveaux de vision préopératoires bien supérieurs à ceux à qui nous proposons le Kenacort…);
    • Une hypertonie peut survenir après tout traitement corticoïde, quelle qu’en soit la modalité d’administration (on parle de près de 30% de « répondeurs » après traitement par collyres corticoïdes, et cela ne nous empêche pas de les utiliser largement).

    Si l’un des corticoïdes actuellement en développement pour un usage spécifique en ophtalmologie (j’en reparle bientôt) arrive sur le marché, ce sera probablement avec le même type d’effets secondaires…

A mon avis, cette lettre nous rappelle donc juste notre devoir : bien évaluer le rapport bénéfice-risque avant de poser une indication, raisonnée (ce qui est finalement relativement facile en l’absence d’alternative !) et en informer nos patients (comme avant toute procédure).

Par contre, plus que les complications sus-citées, c’est peut-être une éventuelle toxicité du Kenacort (pour le moment encore controversée : des études animales rapportent régulièrement l’existence de phénomènes toxiques des conservateurs et/ou de la triamcinolone elle-même, tandis qu’à ma connaissance, aucune série clinique n’est venue confirmer ces données) qui pourrait nous faire changer d’attitude.

Quoi qu’il en soit, vivement qu’arrivent les premiers résultats des grandes études randomisées actuellement menées aux USA sous l’égide du National Eye Institute (en traitement de l‘oedème maculaire diabétique et des occlusions veineuses)… avec la réserve que le produit utilisé est une triamcinolone spécialement fabriquée par Allergan, justement sans conservateur…

Où en est le développement de Retaane ?

Alcon a publié il y a quelques jours un communiqué de presse (Source : OSN SuperSite), suite à un courrier de la FDA réclamant des données complémentaires pour approuver Retaane (acétate d’anécortave) en traitement de la DMLA exsudative :

HUENENBERG, Switzerland — Alcon has received an approvable letter from the U.S. Food and Drug Administration for Retaane, its anecortave acetate treatment for wet age-related macular degeneration. However, the FDA will require an additional clinical trial before it grants final approval, according to an Alcon press release.

Alcon has no immediate plans to conduct a new study due to the difficulty of recruiting patients in light of other treatments currently available for wet AMD, the release said.

Plus que la difficulté de recrutement, je me demande si le frein principal à poursuivre le développement n’est pas plutôt le fait qu’il n’ait malheureusement pas été possible de démontrer (statistiquement) la non-infériorité de Retaane par rapport à la photothérapie dynamique avec Visudyne (Slakter JS & al. Anecortave acetate (15 milligrams) versus photodynamic therapy for treatment of subfoveal neovascularization in age-related macular degeneration. Ophthalmology. 2006 Jan;113(1):3-13) : difficile dans ces conditions de concurrencer maintenant les anti-VEGF !

Par contre, il aurait peut-être été intéressant de le tester en relai des traitements anti-VEGF ?

However, the company continues to believe that Retaane (15 mg anecortave acetate suspension) could play a role in the treatment of wet AMD. Alcon plans to continue supporting the Anecortave Acetate Risk-Reduction Trial, which is studying the ability of Retaane to reduce the risk of the progression from the dry form of AMD to the wet form. This trial, which is fully enrolled with more than 2,500 patients, is expected to be completed within 3 years, according to the release.

In addition, Alcon is conducting clinical studies of anecortave acetate, the active ingredient in Retaane, for the treatment of glaucoma.

Effectivement, deux études sont en cours pour essayer de convertir ce traitement de la DMLA en anti-glaucomateux :


Retaane suspension remains commercially available in several countries outside of the United States.

Voilà ce que cela donne en Suisse d’après une publication récente… (Hayek S & al. First clinical experience with anecortave acetate (Retaane). Klin Monatsbl Augenheilkd. 2007 Apr;224(4):279-81) :

BACKGROUND: Anecortave acetate is an angiostatic cortisene which is injected as a posterior juxtascleral depot and has been shown to be effective in the treatment of exudative age-related macular degeneration (AMD). The compound is not yet approved in Switzerland but can be used as « compassionate use » in individual cases.
PATIENTS AND METHODS: An uncontrolled case series with standardised documentation of ETDRS visual acuity, near acuity, need for magnification and fluorescein angiography was performed.
RESULTS: 22 eyes of 19 patients (8 male, 11 female, average age 78.8 years) were treated with a posterior juxtascleral depot injection (PJD) of 15 mg anecortave acetate. The mean change in visual acuity after 3 months in eyes treated with anecortave acetate was -2.6 ETDRS letters corresponding to 0.52 Snellen lines. 3/20 eyes gained more than 1 line. 11/20 eyes showed stable visual acuity (+/- 1 Snellen line, +/- 5 ETDRS letters). 5/20 eyes developed moderate vision loss (one to two Snellen lines, 6-10 ETDRS letters). 1/20 lost 18 ETDRS letters (> 3 Snellen lines). There were no moderate or severe adverse events.
CONCLUSIONS: A PJD of 15 mg anecortave acetate is safe and well tolerated. In eyes with occult CNV without recent progression or with residual neovascular activity after photodynamic therapy anecortave acetate may be an alternative therapeutic option before considering intravitreal anti-VEGF agents due to the much less invasive character and lower risk profile.

On semble effectivement bien loin des résultats des anti-VEGF…