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Grippe H1/N1 : un article à lire

De retour de cours, j’ai pris le temps de lire ce long et complet article de Dominique Dupagne (signalé par un twitt un peu plus tôt dans la matinée), et je ne peux que vous conseiller d’en faire autant pour décider si oui ou non vous allez vous faire vacciner (l’article ne vous donnera pas la réponse, mais juste les informations nécessaires pour ce choix personnel).
Quelques citations (mais à lire en entier !) :

Après un moment de panique, il est apparu au début de l’été que ce virus était certes très contagieux, mais finalement peu agressif. Pas plus que le virus H1N1 habituel. Ce qui était inhabituel en revanche, c’était le nombre de personnes, jeunes notamment, touchées par la grippe. Il était alors trop tard pour intégrer ce nouveau virus dans le vaccin saisonnier dont la production était déjà lancée.
Certains gouvernements, français notamment, ont alors décidé dès le début de l’été d’appliquer à ce nouveau virus H1N1 la procédure d’urgence créée pour le « méchantissime » H5N1 aviaire. Malgré les nouvelles rassurantes de l’hémisphère sud, il était semble-t-il trop tard en août pour reculer et la campagne de vaccination massive par le vaccin dit « pandémique », c’est à dire contenant le nouveau virus H1N1, et « dopé » au squalène a été mise en place avec les remous que l’on sait.

Une chose très importante que vous devez comprendre est que la question n’est pas de se vacciner ou non cette année contre la nouvelle grippe A/H1N1, mais de savoir si l’on veut se vacciner contre la grippe en général. En effet, la nouvelle grippe H1N1 ne diffère pas significativement de sa « mère » l’ancienne grippe A/H1N1 qui circule en Europe depuis 1918, et qui est intégrée dans le vaccin saisonnier. La seule différence est que les adultes jeunes sont dans leur grande majorité dépourvus d’anticorps contre cette nouvelle grippe A, car elle n’a pas beaucoup circulé récemment.

Le choix est donc le suivant, il n’y en pas d’autre :
– Je me vaccine cette année puis tous les ans contre la grippe car je ne veux pas prendre de risque vis-à-vis de cette maladie.
– Je suis prêt à prendre le risque d’attraper la grippe (tous les 15 ans en moyenne) avec les risques qui vont avec et je ne me vaccine jamais contre cette maladie.

Le risque de décès par la grippe est par exemple inférieur à celui consistant à circuler à vélo en ville, très inférieur à celui de rouler à moto. Il est d’un ordre de grandeur comparable à celui engendré par un long voyage en voiture.

Contracter la grippe assure une immunité bien plus forte que le vaccin. Il ne peut être affirmé ni exclu que cette meilleure immunité naturelle constituera un avantage en cas d’épidémie future par un virus agressif dérivé du virus A/H1N1 2009.

Il y a un effet altruiste dans la vaccination : elle diminue la probabilité de transmettre le virus et participe à la réduction de l’intensité de l’épidémie.

Pour une personne bien portante, il faut donc mettre en balance le risque d’une grippe tous les 15 ans (et ses éventuelles complications) avec les risques associés à un vaccin annuel, sachant que l’efficacité du vaccin est habituellement de 50% (il diminue par deux la probabilité de contracter la grippe, mais ne protège pas à 100% comme d’autres vaccins.)

Il est clair qu’en terme de mortalité par exemple, le risque lié au vaccin est très nettement inférieur à celui lié à la grippe. Néanmoins, sur 10 ans cela se joue à quelques points par million. Lorsque l’on atteint des niveaux de risque aussi bas à titre individuel, il est légitime de s’interroger sur l’intérêt de la recherche du « risque zéro ». Nous nous exposons quotidiennement à des risques beaucoup plus importants.

La vaccination saisonnière annuelle chez le bien-portant est donc un choix personnel. Il n’y a pas de règle car il n’y a pas de conduite évidente. Chacun en fonction de son acceptation ou non d’un risque infime fera son choix pour lui ou ses enfants. Clamer haut et fort qu’il faut ou au contraire ne faut pas se faire vacciner cette année n’a aucun sens. Le seul argument pour l’incitation serait d’étaler dans la durée les cas de grippe grave afin d’éviter la surcharge des services de réanimation. Une telle justification aurait peut-être été mieux entendue par le public.

Lecture critique d’articles

Je tombe, avec quelques jours de retard, sur un point de vue très intéressant des Prs. Funck-Brentano, Rosenheim et Uzan, publié dans Le Monde (édition du 10 mars), réagissant au retrait (provisoire espérons-le) des épreuves classantes nationales de l’épreuve de Lecture Critique d’Articles… J’adhère totalement à ces propos :

La pratique de la médecine requiert des qualités multiples dont l’intelligence n’est pas la moindre, mais les études médicales ne développent pas l’intelligence critique […] supposée venir plus tard, notamment dans le cadre de la formation continue mais elle est, en pratique, peu enseignée. C’est donc bien durant les études médicales qu’il faut initier les futurs praticiens à l’art de la critique.

Effectivement, après avoir suivi les enseignements du CESAM (modules « Méthodologie statistique » et « Pratique des essais cliniques« ), j’ai pu réaliser combien pouvaient être profondes les lacunes dans ce domaine…

[…] La lecture critique d’articles est le fondement de la sélection de l’information médicale, enjeu majeur de la pratique qui, contrairement à ce qu’avancent certains étudiants, n’est pas destiné à une élite universitaire et scientifique mais bien à la masse des praticiens de santé, en particulier en ville […] pour ne pas se laisser submerger par les messages issus du marketing. Les professionnels de l’information sont passés maîtres dans l’art du détournement des résultats des études sur lesquelles se fondent nos pratiques et nos décisions.

Les ophtalmologistes, avec l’arrivée de « nouveaux » médicaments du glaucome ou la mise à disposition des anti-VEGF (pour ne citer que deux exemples), sont, me semble-t-il, tout-à-fait dans cette problématique, au moment de choisir un traitement, quel que soit leur mode d’exercice…

Il est donc fondamental que l’épreuve de LCA soit inscrite à l’ECN et pas seulement enseignée comme une matière du deuxième cycle des études médicales. L’expérience passée nous a appris que si une matière n’est pas inscrite au programme de l’internat, les étudiants, dont on comprend le nécessaire pragmatisme, la travaillent moins.

Ce qui m’effraie le plus est que l’argument des syndicats étudiants serait l’hétérogénéité de cet enseignement selon les facultés, car « certains professeurs ne seraient pas capables d’assurer cette formation » (dixit François chez Seven), ce qui semble un comble (mais ils sont certainement rares…).

Jeux vidéos et chirurgie

Après l’amélioration de la vision, voilà qu’une autre étude semble indiquer que la pratique des jeux vidéos pourrait améliorer les performances des chirurgiens :

Medpage Today rapporte qu’une étude, tentant de déterminer les facteurs de réussite d’une telle opération, a placé au dessus du nombre d’années d’entraînement, d’interventions laparoscopiques, ou du sexe, … la pratique du jeux-vidéo. Les chirurgiens qui ont déclaré avoir joué au moins trois heures par semaine dans leur jeunesse aux jeux-vidéos ont été 27% plus rapides que les non-joueurs et ont commis 37% moins d’erreurs. Tandis que ceux qui ont déclaré continuer d’y jouer encore maintenant ont été 24% plus rapides et ont commis 32% moins d’erreurs. Les trois plus gros joueurs ont même obtenu des résultats les montrant 39% plus rapides et 53% meilleurs que la moyenne des non-joueurs.
Le jeux vidéos viendrait ainsi se poser comme un moyen d’améliorer des capacités qui ne seraient pas évaluées en cours, notamment le repérage spatial. L’échantillon d’étude était cependant assez restreint, et des études plus approfondies mériteraient d’être menées pour valider le lien entre le jeux-vidéo et l’amélioration des pratiques chirurgicales.

Via Ratiatum

Si le projet de formation chirurgicale virtuelle au sein de la Fédération Rétine voit le jour, il pourrait être amusant de reproduire cette étude pour la chirurgie ophtalmologique…

Référence : Rosser JC, et al « The Impact of Video Games on Training Surgeons in the 21st Century » Arch Surg 2007;142:181-186