Evaluation des sites internet santé : HON ou nonHON ?

Décidément, il est beaucoup question d’évaluation ces derniers temps (enfin… dans la « blogosphère » santé et sur Twitter en tous cas). Ainsi, après quelques échanges récents sur celle des médecins, c’est au tour de celle des sites internet santé, problématique pourtant ancienne, suite à l’article hier de Dominique Dupagne : « J’arrête le HONcode »

Pour ceux qui ne connaissent pas Health On the Net (HON), il s’agit (en résumé) d’un organisme certifiant les sites internet en rapport avec la santé, grâce à 8 critères. Comme vous le comprendrez en lisant cette « charte », il ne s’agit pas de juger le contenu à proprement parler (ce qui serait extrêmement difficile et subjectif), mais plutôt la qualité, la déontologie et l’honnêteté (tant intellectuelle que financière) des « responsables » du contenu…
En préambule, je rappelle que près de 1000 sites santé français sont certifiés (sur combien ?)… et seuls 28% des internautes en ont entendu parler… ce qui relativise un peu tout ce qui va suivre !

Si une telle démarche de certification semble effectivement nécessaire, est-ce suffisant pour dire qu’un site et son contenu sont de bonne qualité ? Évidemment non. Juste une « présomption » de sérieux et d’objectivité.
Une étude montrait tout de même que les sites certifiés sont en moyenne de meilleure qualité que les non certifiés (AQIS)…

Évidemment, pris individuellement, un site non certifié peut tout à fait atteindre une grande qualité sans pour autant avoir demandé (voir en étant « contre », certains 😉 se reconnaitrons) la certification (et c’est bien pour ça que j’ai rajouté lors de sa dernière mise à jour un PS dans ma tentative de croisement entre Wikio et HON…). En pratique cependant, les quelques exemples qui me viennent à l’esprit satisferaient probablement quasiment parfaitement aux critères HON !
Donc, encore plus important que de rechercher un « sceau », c’est bien à chaque internaute de se poser quelques questions, reprises dans la charte HON, et de lire les « mentions légales » ou « qui sommes nous » pour faire son évaluation personnelle de chaque site !

Dominique Dupagne évoque le problème des liens avec l’industrie, élément qui n’est effectivement pas vraiment pris en compte dans la certification HON… Mais qui sort à mon sens du simple cadre de l’information santé sur internet : tout professionnel de santé s’exprimant publiquement (que ce soit donc sur internet certes, mais aussi dans la presse, spécialisée ou grand public, à la télévision, ou auprès de ses confrères… et lorsqu’il intervient comme expert auprès des « autorités ») est normalement tenu de faire une « déclaration de conflits d’intérêts » (ce n’est pas nouveau : la loi date de mars 2002, décret du 25 mars 2007 !). Je suis bien d’accord qu’il reste beaucoup de progrès à faire sur le sujet en France, et me demande si la meilleure des solutions ne serait pas de suivre ce qui commence à se faire aux USA, à savoir la publication par l’industrie pharmaceutique elle-même de ce qu’elle verse à qui !
Petite expérience récente : alors que j’ai pris pour habitude de déclarer mes conflits d’intérêts (consultables ici ou sur le site de la HAS) pour chaque article ou au début de chaque communication, à aucun moment elle ne m’a été demandée à l’occasion d’une interview récente à propos de la campagne « notre-recherche », diffusée le mois dernier sur une chaine nationale…

Si la certification HON est imparfaite, comment l’améliorer (outre le simple respect de la loi en ce qui concerne les conflits d’intérêt !) ? Rejoignant là Dominique Dupagne, force est de constater que les moteurs de recherche type Google ou les classements de sites (type Wikio) font déjà un sacré tri, basé (au moins en partie) sur le nombre et la « qualité » des liens pointant vers un site. Ce n’est pas encore suffisant, puisque le tant décrié Doctissimo arrive en tête de nombreuses requêtes médicales (en projet : je vais lire attentivement ce qu’il s’y dit concernant l’ophtalmologie… hors forums bien sûr).

Une autre piste est la recommandation par les « pairs » (les professionnels de santé listent les références qui leur semblent d’intérêt), du type de ce que se propose de faire DesBons.fr pour l’évaluation des médecins justement (on y revient… comme quoi, ces problématiques sont liées !), HON (encore !) pour les sites santé (mais pas encore à mon sens assez de recommandations pour être fiable : voir l’exemple cité par @grangeblanche hier), ou ce que fait déjà Webicina (Berci demande régulièrement, via Twitter ou autre, de l’aide pour construire cet index, et il reste toujours possible par la suite de proposer d’autres références) : à condition d’atteindre une certaine « masse critique » de recommandations, la « sagesse des foules » devrait là encore permettre d’identifier les sites les plus pertinents…
Autre exemple « personnel » : lors de nos consultations, nous renvoyons régulièrement les patients vers le site d’une association de patient (dont les informations sont aussi reprises sur le site de notre institution), sur lequel se trouvent aussi des liens vers d’autres ressources qui nous semblent, sur le fond, d’intérêt, et qui est par ailleurs certifié HONcode et dans les premiers résultats de recherche sur « occlusion veineuse rétinienne » dans Google…

Enfin, je terminerai en évoquant le projet de « Portail Internet Santé » proposé par Roseline Bachelot dernièrement. On pourrait imaginer qu’un tel site pourrait justement orienter les internautes vers les sites de qualité (voir les intéressantes propositions de Xavier Brochart sur le sujet)… mais, outre le caractère un peu « usine à gaz », j’ai quelques doutes quant à la capacité d’un site « officiel français » pour cette tâche (vs d’autres initiatives « privées » ou étrangères), notamment ces derniers temps, par exemple quand je vois :
– le DMP qui n’est toujours pas là, malgré plusieurs années et millions d’euros… quand Google Health, Microsoft HealthVault ou Sanoia sont déjà des réalités;
– l’ergonomie du moteur de recherche des essais cliniques de l’AFSSAPS, vs clinicaltrial.gov;
Рla gestion de la pand̩mie grippale;
– la nomination de Pierre Bachelot à l’INPES;
– la connaissance qu’on d’internet ceux qui se proposent d’y mettre de l’ordre…
… mais je déborde du sujet là !

Et justement, lorsque la HAS s’est vu confiée la mission de certifier les sites internet santé… elle s’est (intelligemment) reposée sur la certification HON !

Au final donc, après avoir aidé à la traduction française de Webicina, je vais conserver le sceau HON sur mes sites, et continuer de tenter à mon modeste niveau d’en diffuser l’existence (ainsi que l’extension navigateur, qui permet dans Firefox de repérer les sites certifiés dans les résultats de recherche), mais surtout le principe, tout en restant conscient de ses limites, je continuerai à conseiller mes patients dans leur recherche d’informations sur le net… et suivrai avec attention toute autre initiative !

Quelques autres réactions intéressantes, pour vous faire une idée sur la question (mises à jour le 15 juin, 14:45) :

PS1 : si j’en crois TinEye, il n’y a pas encore d’autre site « nonHON » pour le moment (pour Grange Blanche 😉 )
PS2 : le sceau HON n’apparait toujours pas sur Doctissimo
PS3 : j’évoquerai dans un autre billet la publicité sur les sites santé (puisqu’il y en a ici justement…), qui représente l’essentiel des discussions actuelles sur la discussion ouverte sur le sujet par D. Dupagne sur Atoute
PS4 : promis, il y aura bientôt aussi un peu d’ophtalmo ici aussi 😉